Un crime contre le patrimoine
Gérard Boulée, est le père d’Aurore.
Né en 1759, il a 40 ans au moment de la Révolution. C’est un entrepreneur en bâtiment de Compiègne au tempérament autoritaire, fort en gueule et jamais avare de bonnes phrases. Ses affaires sont florissantes car la ville se trouve en pleine reconstruction après les dégâts occasionnés par la Révolution. Il fait l’acquisition lors de la vente des biens nationaux de l’ancien couvent des capucins de Compiègne, bâtisse aux épais murs de pierre qu’il aménage en demeure confortable pour sa famille.
Grisé par cette première acquisition, Gérard Boulée s’engage dans une entreprise extravagante qui dépasse de loin ses moyens. Il se met en tête d’acheter le château de Chantilly, confisqué au prince de Condé, en exil. Boulée se porte acquéreur des édifices le 17 juillet 1799 dans le but de les démolir et de tirer profit de la vente des matériaux. (oui, l’un de mes aïeux a rasé le château de Chantilly)
Un membre éminent du conseil des Cinq-Cents, l’assemblée des députés de cette époque tumultueuse, dénonce aussitôt cette vente mais Boulée ne se laisse pas ébranler et prend la plume pour exposer la légitimité et la justesse de son acquisition.
“Ayant toujours donné des témoignages de patriotisme pendant la Révolution, nous avons cru pouvoir, mieux que d’autres, nous présenter pour l’acquisition d’un domaine que le royalisme, toujours présent, semblait envisager comme mis en réserve par des hommes pervers qui espèrent le retour de Condé à la tête de la bande royale. Nous avons cru faire un acte patriotique en renversant cet odieux château, nous bornant à spéculer sur le prix des matières que nous pourrions en extraire. Dans cette opération, les aristocrates ne verront peut-être qu’une destruction : les patriotes y verront un trophée de la République”.
Ce mémoire, d’une sincérité contestable, eut néanmoins l’effet escompté : Boulée obtint gain de cause et la vente fut confirmée. De 1799 à 1804, il détruisit avec application tous les édifices du domaine de Chantilly. Les ouvriers en étaient arrivés aux fondations lorsque le chantier fut interrompu par la justice : Gérard Boulée ne parvenait pas à rentabiliser suffisamment les matériaux de construction qu’il extrayait du malheureux château et n’honorait plus les traites de son crédit. Il fut déchu du bénéfice de son adjudication en 1804.
Il apporte à mon histoire une petite touche rabelaisienne !
Aurore a hérité de lui son tempérament audacieux et têtu qui provoquera (en partie) leur perte…